Une lettre de la directrice administrative de RAVEN, Susan Smitten
La semaine dernière nous avons célébré la victoire finale dans le combat de La Nation Tsilhqot’in, qui s’est étalé sur des décennies, pour empêcher que leur terre soit désacralisée par une mine d’or. Le dernier mot de la Cour suprême est définitif : la mine New Prosperity de
Taseko est morte.
Finie. Terminée.
Il y a des moments qui restent avec vous à vie. Des moments où vous saurez à jamais où vous vous trouviez, comme quand les avions se sont écrasés dans les tours jumelles ou lors de la naissance de votre petit-enfant, et ces événements se gravent dans votre esprit pour toujours.
Et c’est pour ça que je me souviens très bien du jour où les Tsilhqot’in ont gagné pour la première fois: je dépensais un trop-plein d’énergie au YMCA quand j’ai vu mon mari arriver en toute hâte. Mon cerveau a tout de suite pensé à « quelqu’un a dû mourir » et tout est allé au ralenti. Je pouvais voir ses lèvres bouger mais mon drame intérieur couvrait ses mots. Il a pris
les haltères de mes mains et a répété: « Ils ont gagné. Les Tsilhqot’in ont gagné. La mine est rejetée. »
C’était en 2010. RAVEN avait un an et demi, et le soutien des Premières Nations Xeni Gwet’in et Yunesit’in était à l’époque mon objectif principal. J’étais alors la seule membre du personnel et je travaillais dans un ancien placard de stockage que j’avais emprunté. Le premier projet de Taseko – la mine d’or et de cuivre à ciel ouvert Prosperity – avait été fustigé par le tribunal indépendant des évaluateurs environnementaux.
Le Ministre de l’Environnement de l’époque, Jim Prentice, a annoncé avec brio en rejetant publiquement la proposition de la mine que le rapport du comité était le plus « cinglant » qu’il n’avait jamais lu. Selon le rapport, la mine entraînerait « des effets environnementaux négatifs importants sur le poisson et son habitat, sur la navigation, sur l’utilisation actuelle des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les Premières Nations et sur le patrimoine culturel, et sur certains droits ancestraux potentiels ou établis [chasser, trapper et pêcher]. »
Tout était dit. Ou c’est ce que je pensais. Naïf de ma part.
La nouvelle de cette première victoire, il s’est avéré par la suite, a dû nous servir de bouée de sauvetage pour traverser une décennie de victoires suivies d’obstacles. À la suite du deuxième rejet fédéral du projet, retravaillé et maintenant surnommé New Prosperity, c’était comme si la
ligne d’arrivée n’arrêtait pas de reculer. Les défis juridiques se sont multipliés, à commencer par deux contrôles judiciaires initiés par Taseko. Et les Tsilhqot’in sont restés constants dans leur combat – forts, fiers, courageux et inébranlables. Et à RAVEN, avec maintenant une plus grande
équipe, nous nous sommes modelés sur leur sagesse collective et avons continué à nous battre aussi.
Heureusement, nous n’étions pas seuls dans nos efforts de levées de fonds pour financer les témoignages d’experts, les rapports scientifiques et les arguments juridiques. Une puissante équipe de donateurs et de bailleurs de fonds, tels que la Fondation canadienne Donner, la Fitzhenry Family Foundation, le Global Greengrants Fund et la Wilburforce Foundation s’est
jointe à nous pour soutenir les Xeni Gwet’in et Yunesit’in dans la défense résolue de leur culture et lieux sacrés contre une entreprise déterminée à obtenir le permis nécessaire pour accéder aux gisements d’or. Des membres de la communauté RAVEN ont fait front commun pour lever des fonds et organiser des événements, tandis que d’autres ont contribué leurs récompenses AIRMILES pour aider les chefs à assister aux audiences à Ottawa. Tout ce monde ont formé une « brigade centrale » faite d’amour et de solidarité.
Si vous n’avez pas encore eu le privilège de visiter Teztan Biny (Fish Lake), il vous sera peut-être difficile de comprendre le besoin féroce de le protéger. Depuis d’innombrables générations, Teztan Biny est un lieu sacré de renouveau spirituel pour les Tsilhqot’in. Le site minier proposé
à l’origine – qui englobait Teztan Biny, Yanah Biny (Little Fish Lake) et la zone environnante, appelée Nabas – est un territoire traditionnel de droits ancestraux démontrés où les Tsilhqot’in ont chassé, trappé, pêché, récolté des plantes médicinales et ont partagé leurs connaissances et leur histoire de génération en génération dans le cadre d’événements culturels et de
cérémonies.
Les lacs abritent un type de truite arc-en-ciel qui est génétiquement unique. On les trouve aussi dans le cours supérieur d’une des dernières principales migrations de saumon viables qui remonte le fleuve Fraser. L’eau de cette région est assez pure pour être bue directement à la source – testament de la protection que les Tsilhqot’in ont porté à leurs terres traditionnelles pendant des générations. La zone représente aussi un habitat important pour le grizzli du Chilcotin du Sud, une espèce menacée.
Mais ce n’est pas tout. La magie du lieu est palpable. Elle défie toute description, et pourtant, une fois vécue, elle est transformatrice. Il est clair que tout le monde n’y succombe pas.
L’attrait des minéraux précieux et semi-précieux enfouis dans ces terres s’avère trop irrésistible.
Ce qui m’amène à 2020. Je garderai le souvenir du 14 mai à jamais gravé dans ma mémoire.
On pourrait dire qu’il efface la longue histoire tortueuse de cette entreprise déterminée à subjuguer la terre, les droits, la culture et l’histoire des Tsilhqot’in. C’est avec gratitude aux chefs Tsilhqot’in – passés et présents – aux communautés, à leurs équipes juridiques et aux experts, ainsi qu’aux donateurs et donatrices de tous bords que j’écris cette lettre.
Nous commençons maintenant un nouveau chapitre. Taseko ne s’est pas volatilisé et semble prêt à tout faire pour forcer l’exploration même dans l’absence d’un projet viable; cependant, comme me l’a récemment dit un conseiller juridique, les juges lisent aussi les nouvelles. Il y aura peut-être de nouveaux obstacles juridiques à l’avenir, mais ce projet-là est définitivement terminé. Ligne d’arrivée franchie. Médaille d’or aux vainqueurs Tsilhqot’in. Une victoire pour nous tous.
Avec mes remerciements,
Susan Smitten
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