Le territoire de la Nation Heiltsuk comprend 16 658 kilomètres carrés de terres ainsi que de vastes estrans, fonds marins, eaux côtières et extracôtières dans une zone qui n’est que récemment connue sous le nom de côte centrale de la Colombie-Britannique. Le territoire Heiltsuk s'étend vers le nord de la pointe sud de l'île Calvert jusqu’à la crique Klekane, vers l'est jusqu'à la tête du chenal Dean et jusqu’à la zone extracôtière à l’ouest de l'île Goose, de l'île Aristazabal et de l'île Calvert, et comprend les criques, canaux, îles, et voies navigables qui s’y trouvent. Les zones marines comprennent les eaux du large et incluent le groupe et les bancs de l'île Goose, ainsi que l'île Campbell et Bella Bella.

Le 13 octobre, 2016, le remorqueur américain Nathan E. Stewart naviguait le long de la côte centrale de la Colombie-Britannique sans pilote habilité à bord. Le remorqueur-chaland s’est échoué dans le chenal Seaforth, à environ 11,5 milles marins de Bella Bella, la principale communauté du territoire Heiltsuk. Le remorqueur a coulé et ce faisant, a déversé plus de 110 000 litres de carburant diesel à l'embouchure de la crique Gale et au large, à proximité d'un ancien village Heiltsuk et de la zone de récolte marine Heiltsuk.

Le premier lieutenant, qui était de quart la nuit du 12 octobre, s’est endormi et a raté un changement de cap crucial dans le chenal Seaforth, ce qui a fait échouer le navire. Il n’y avait pas de deuxième personne de quart comme l’exige le Règlement fédéral sur le personnel maritime, ainsi que le système de gestion de la sécurité de Kirby. 

Les alarmes de l’équipement de navigation n'ont pas été utilisées et un système d'alarme de quart à la passerelle (BNWAS) n'était pas disponible. Leur utilisation aurait pu empêcher le premier lieutenant de s'endormir et / ou alerter les autres membres d'équipage à temps pour corriger le cap.

(D'après les rapports d'enquête post-incident du Bureau des transports du Canada et du US National Transportation Safety Board)

Au petit matin du 13 octobre, les Heiltsuk furent les premiers intervenants sur la scène du déversement. Tout au long de la journée, alors que d'autres intervenants pataugeaient dans la confusion, les Heiltsuk ont ​​discrètement essayé de faire tout le nécessaire pour minimiser les dommages causés à leurs terres et à leurs eaux. Les Heiltsuk ont offert leurs connaissances traditionnelles de la région à la Garde côtière, mais ils ont été ignorés jusqu'à tard dans l'après-midi, lorsqu'il est devenu clair que les connaissances locales sur la région étaient essentielles. Les Heiltsuk ont ​​demandé que des barrages flottants soient installés immédiatement, mais leur demande a d'abord été accueillie par le silence ; puis on les a avisés que l'installation des barrages relevait de l’autorité de la Western Canada Marine Response Corporation (WCMRC) ou de Kirby, qui n'étaient pas sur place. Lorsque les barrages sont devenus disponibles, il n'y en avait pas assez ou ils étaient endommagés, et finalement, une fois installés, ils se sont brisés ou ont été emportés par les vagues mazoutées. De plus, les intervenants n'ont pas reçu d'équipement de protection individuelle, ni ont été informés des conséquences pour la santé d'une exposition au diesel.

Environ 110 000 litres de pétrole sont restés irrécupérables et ont été laissés dans l'environnement ; 119 000 litres de pétrole ont été récupérés du remorqueur.

(D'après le rapport d'enquête du Conseil tribal Heiltsuk et le rapport post-incident du Bureau des transports du Canada)

Le déversement de diesel a contaminé une zone écologiquement intacte, un écosystème riche qui, jusqu'au déversement, avait été récolté par les Heiltsuk pendant des millénaires en utilisant des pratiques traditionnelles et durables.

Les Heiltsuk ​​récoltaient au moins 25 espèces alimentaires dans la zone touchée, y compris des récoltes commerciales de palourdes japonaises, de flétan, d'oursin rouge, d'holothurie, de saumon et de hareng sur varech.

La zone touchée est également un habitat important pour le rétablissement de la loutre de mer et de l'ormeau nordique, une espèce en voie de disparition.

Tragiquement, les Heiltsuk doivent faire face à des dommages catastrophiques à long terme sur la santé de leurs terres, de leurs eaux et de leur culture. Cet incident prendra des décennies et plusieurs générations à guérir.

Les Heiltsuk intentent une action en justice contre Kirby Corporation, le Canada et la Colombie-Britannique. Ils ont déposé un avis de poursuite civile le 13 octobre 2018.

La décision d’intenter une action en justice devant les tribunaux canadiens s’est basée sur le processus d’enquête et d’adjudication que la Nation Heiltsuk a menée conformément à Heiltsuk Ǧviḷ̓ás (ordre juridique). Ce processus et ses conclusions sont contenus dans un rapport de mai 2018, intitulé « Dáduqvḷá1 qṇtxv Ǧviḷ̓ásax̌ – Pour examiner nos lois traditionnelles ».

Un comité spécialement formé comprenant des chefs héréditaires ainsi que des représentants d’aînés, de jeunes et de Heiltsuk urbains, a fait des constatations sur la manière dont Ǧviḷ̓ás avait été contrevenu par Kirby et les agences gouvernementales, ainsi que sur les torts qui ont été causés. Il a également identifié les façons dont Ǧviḷ̓ás a été soutenu par les premiers intervenants Heiltsuk et la Nation Heiltsuk.

Quelle a été la réaction des Heiltsuk face aux dommages causés à leur territoire et leur culture?

Le 13 octobre 2016, le remorqueur Nathan E. Stewart s'est échoué dans le chenal Seaforth dans le territoire de Heiltsuk et a coulé. Le remorqueur a déversé plus de 110 000 litres de carburant diesel à l'embouchure du ruisseau Gale et dans les eaux environnantes, au large d'un ancien village Heiltsuk et de la zone de récolte marine Heiltsuk.

Les Heiltsuk ont ​​déposé un avis de poursuite civile le 13 octobre 2018.

Les Heiltsuk poursuivent en justice Kirby Corporation, le propriétaire du remorqueur, et les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique. Leur action a pour but de contester la constitutionnalité de l’intervention entreprise par le Canada lors du déversement; d’indemniser les Heiltsuk pour les pertes culturelles et économiques causées par le déversement; et d’établir le titre ancestral des Heiltsuk sur les terres de réserve, près des côtes et sur le fond marin dans le chenal Seaforth et les régions avoisinantes.

Dans cette action, les Heiltsuk soulèveront le manque de consultation concernant les expéditions de pétrole dans les eaux des Heiltsuk, et plus particulièrement les navires sans pilote. Bien que les Heiltsuk aient exprimé à maintes reprises leur opposition au transport de pétroliers et de condensats dans leurs eaux, ils n'ont jamais été consultés par le gouvernement fédéral au sujet de la navigation du Nathan E. Stewart et son transport de pétrole dans leurs territoires, et ce sans pilote. Le gouvernement fédéral a ignoré l'opposition des Heiltsuk – leur retrait de tout consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause – et celui-ci sera maintenant traduit en justice afin qu’il reconnaisse cet échec et ses conséquences pour les Heiltsuk. 

Cette tragédie est le résultat direct du manquement de la part du gouvernement fédéral à son devoir constitutionnel envers les Heiltsuk. Elle doit devenir une mise en garde pour l’avenir afin d’empêcher que cela ne se reproduise.

Plusieurs aspects de cette action vont créer des précédents. L’action remettra en question la constitutionnalité du régime canadien en cas de déversement de pétrole dans le cadre de la section 35 de la Constitution et des obligations du Canada envers les peuples autochtones. Une victoire pour les Heiltsuk signifierait que la loi et la pratique actuelles, qui ne consultent pas les Premières Nations côtières sur la sécurité maritime ou ne les impliquent pas dans une intervention en cas de déversement en mer, devraient changer pour se conformer à la Constitution.

« D’un point de vue juridique, la loi que nous cherchons à créer changerait la donne pour tout déversement de pétrole sur n'importe quel territoire des Premières Nations. Cela aurait donc un impact sur la loi, sur la loi maritime, point final. » – Lisa Fong, conseillère juridique pour la Nation Heiltsuk 

Il se peut que le plus grand potentiel de création de précédents dans cette action soit la question du titre ancestral sur le littoral et les fonds marins. C'est la première fois que cette question de droit sera plaidée devant un tribunal canadien. Historiquement, en Colombie-Britannique, la compétence coloniale sur les eaux côtières a été partagée entre le gouvernement fédéral et la province. Le gouvernement fédéral est en charge des fonds marins en haute mer jusqu'à douze milles marins de la côte, et de l'océan jusqu'à 200 milles marins du rivage ; la Colombie-Britannique contrôle l'estran entre les marques de marée basse et de marée haute, et les eaux marines intérieures entre « les mâchoires de la terre ». Cette division ignore la préexistence du titre ancestral. Si les Heiltsuk prouvent leur titre ancestral devant les tribunaux, les gouvernements fédéral et provincial devront accepter la compétence des Heiltsuk.

Les Heiltsuk devront montrer de solides preuves de dommages aux ressources marines et à la santé de leur communauté ; la perte des récoltes alimentaire, sociale et cérémonielle, ainsi que la récolte commerciale de palourdes et d’œufs de hareng sur varech, en plus des pertes financières et des moyens de subsistance des Heiltsuk. Cela nécessitera un suivi continu et une étude exhaustive des dommages environnementaux et sociaux causés par le déversement.

Non seulement le Canada et la Colombie-Britannique n'ont pas effectué d'étude environnementale des dommages causés par un navire étranger dans les eaux canadiennes, ils ont tenté de rejeter cette responsabilité sur le pollueur – Kirby Corporation. Ce qui veut dire que les Heiltsuk sont maintenant les seuls à porter la charge d'enquêter sur les répercussions réelles du déversement, non seulement dans leur intérêt mais au nom de tous les Canadiens.

Pour ce qui est du titre ancestral, les Heiltsuk devront présenter le témoignage d'aînés et d'autres membres de la communauté ainsi que soumettre des rapports d'experts sur l'utilisation et l'occupation continues de leur territoire, y compris les zones marines où ils ont subi des dommages.

Jusqu’à présent, Kirby Corporation a refusé de répondre aux demandes des Heiltsuk d’effectuer une étude exhaustive d’après le déversement ou une étude d'impact sur la santé. Techniquement, les études d’impact ne font pas partie des interventions « de classe mondiale » des gouvernements fédéral et provincial en cas de déversement de pétrole.

Ni la Colombie-Britannique, ni le Canada, ni le pollueur n'ont offert de financer et d’assurer qu'une étude d’impacts environnementaux ait lieu. Face à cette approche inadéquate et exclusionniste, les Heiltsuk procèdent à diriger leur propre étude d'impact qui comprend un volet de science occidentale et un volet de savoir traditionnel.

Le volet de science occidentale s'appuiera sur les sciences biologiques pour aider à déterminer les impacts actuels et à long terme du déversement sur la santé de l'écosystème et des ressources marines. Le volet de savoir traditionnel se basera sur les connaissances Heiltsuk et cherchera à comprendre combien de temps il faudra avant que la récolte puisse recommencer de manière sûre et durable. Enfin, l'étude de l'impact sur la santé sera basée sur la recherche médicale, les sciences sociales et un modèle de recherche en première personne pour déterminer les impacts de cet événement sur les Heiltsuk. Ces derniers inclus les conséquences sociales et financières associées à la perte de leur récolte et l’utilisation de la zone touchée.

Selon la conseillère juridique des Heiltsuk, Lisa Fong, il s'agit d'un cas complexe qui prendra plusieurs années à être plaidé. L'avis de poursuite civile a été déposé le 13 octobre 2018. La somme finale des frais de justice encourus dépendra de nombreux facteurs qui échappent au contrôle des Heiltsuk, notamment toute motion présentée avant le procès par Kirby Corporation, le Canada ou les autres défendeurs. Pour leur part, les Heiltsuk devront prouver l'ampleur des dégâts. Pour ce faire, ils devront avoir recours aux services de beaucoup d'experts dans différents domaines (tels que chimie, biologie des pêches, médecine, etc.), ce qui est généralement coûteux.

Même si le moratoire du gouvernement fédéral sur la circulation des pétroliers avait été en vigueur en 2016, il n'aurait pas interdit le passage de navires comme le Nathan E. Stewart. Le moratoire sur la circulation des pétroliers comprend de nombreuses échappatoires et exclusions qui permettent le transport continu de pétrole sur la côte nord de la Colombie-Britannique via des barges de carburant étrangères et même, potentiellement, dans des supertankers remplis de produits pétroliers raffinés tel que le carburéacteur. (Source : “Will the Pacific North Coast Oil Tanker Ban Hold Water?” analysé par West Coast Environmental Law)

Tous les fonds collectés pour la campagne Heilstuk sont destinés à financer les actions en justice autochtones. 85% des fonds collectés vont à la Nation Heilstuk pour financer leurs actions en justice. Autrefois à RAVEN, nous avions l'habitude de prélever 15% de tous les fonds levés pour couvrir nos frais administratifs afin d’être en mesure de maintenir notre opération. Cependant, à partir de 2021, ces 15% sont dorénavant placés dans notre Fonds discrétionnaire pour les litiges (voir ci-dessous). 

Si une contestation judiciaire prend fin et que les fonds levés dépassent les frais de justice, nous plaçons les fonds restants dans le Fonds discrétionnaire pour les litiges. Nous utilisons l'argent de ce fonds pour renflouer toute campagne en besoin de soutien financier supplémentaire, et ce pour toute une panoplie de raisons (par exemple, pour répondre à une motion de la Couronne, ou pour commander des rapports d'experts supplémentaires).